L’établissement d’un cadre réglementaire international coordonné n’est pas seulement souhaitable, mais devient une nécessité technique pour le marché des crypto-actifs. La fragmentation actuelle des règles – entre l’approche par activité du MiCA dans l’UE et la méthode par titres aux États-Unis – crée des asymétries exploitables et freine l’innovation. Une solution pratique réside dans la priorisation de l’interopérabilité des registres de supervision et la définition de standards techniques communs pour l’identification des actifs numériques et de leurs émetteurs, à l’image des travaux du G7 et du Conseil de stabilité financière.
Cette harmonisation ne vise pas une régulation unifiée et uniforme, souvent irréaliste, mais un socle minimal de conformité. Les principes devraient couvrir la lutte contre le blanchiment, l’intégrité des marchés pour les monnaies virtuelles, et la sécurité des custodians. L’objectif est d’éviter l’arbitrage réglementaire tout en permettant aux juridictions d’ajouter des exigences spécifiques, comme un cap sur l’utilisation des stablecoins dans les paiements domestiques.
La clé du succès repose sur une coopération institutionnelle renforcée entre autorités de marché et banques centrales. Des protocoles de partage d’information en temps réel et des mécanismes de gouvernance clairs sont indispensables pour superviser des acteurs globaux. Sans cette normalisation et cette volonté politique, le risque systémique s’accroît, et le potentiel de la finance décentralisée à offrir des services mondiale et accessibles restera largement inexploité.
Normalisation technique : la clé d’un cadre mondial opérationnel
Un cadre mondial viable pour les crypto-actifs nécessite une normalisation technique internationale avant une harmonisation réglementaire complète. Les organismes comme l’ISO (Organisation internationale de normalisation) doivent prioriser des standards sur l’interopérabilité des blockchains, les formats de reporting pour la supervision et les protocoles d’identification. Sans cette base, toute tentative de réglementation unifiée se heurtera à des incompatibilités techniques bloquantes.
La coopération internationale doit se structurer autour de la supervision des actifs numériques transfrontaliers. Une approche coordonnée, inspirée du modèle du Collège de superviseurs bancaires, permettrait un échange d’informations en temps réel et une application cohérente des règles. Le Financial Stability Board (FSB) et l’International Organization of Securities Commissions (IOSCO) ont posé des fondations ; leur travail doit déboucher sur un cadre contraignant pour les grandes plateformes mondiales.
Mise en œuvre : un modèle par paliers
L’instauration d’un cadre mondial passe par une approche graduelle. Une première étape implique la reconnaissance mutuelle des licences entre juridictions aux règles équivalentes, comme entre l’UE (MiCA) et le Royaume-Uni. Cette mutualisation réduirait les coûts de conformité pour les entreprises tout en renforçant la protection des investisseurs.
| 1. Normalisation | Interopérabilité technique & formats de données | ISO / IEEE |
| 2. Coopération | Supervision coordonnée & échange d’informations | FSB / IOSCO |
| 3. Reconnaissance mutuelle | Équivalence des régimes de conformité | G20 / Comités de régulateurs |
La gouvernance des stablecoins globaux démontre l’urgence d’un tel modèle. Sans supervision internationale coordonnée, ces monnaies numériques créent des risques systémiques. Un cadre mondial doit imposer des exigences de capital et de liquidité unifiées, auditées par un collège de superviseurs des pays où l’actif est émis et utilisé.
La question finale n’est pas l’opportunité mais la forme de ce cadre. Une réglementation purement défensive étoufferait l’innovation. Le but est d’établir des règles claires permettant aux crypto-actifs de fonctionner dans l’économie mondiale, avec une supervision robuste et une conformité simplifiée. L’alternative est une fragmentation persistante, source de risques et d’inefficacités.
Principes clés du G20 : la feuille de route pour une régulation mondiale
Le G20 mandate le FSB et le CPMI pour élaborer un cadre réglementaire mondial et coordonné sur les crypto-actifs. L’objectif est une harmonisation des règles pour éviter l’arbitrage réglementaire et les risques systémiques. Ce cadre doit s’appuyer sur le principe « même activité, même risque, même régulation », en intégrant les spécificités des actifs numériques.
La coopération internationale est le pilier central. Les recommandations du G20 visent à :
- Établir des normes minimales pour la surveillance des émetteurs et des prestataires de services sur les crypto-actifs (PSAN).
- Garantir l’interopérabilité des cadres nationaux pour une supervision transfrontalière efficace.
- Renforcer les exigences de conformité en matière de lutte contre le blanchiment (LCB-FT) et de protection des consommateurs.
La normalisation technique est une priorité pour sécuriser les infrastructures de marché. Une gouvernance unifiée des stablecoins globaux est exigée, avec des règles de réserves, de liquidité et de transparence. Le G20 pousse vers une régulation qui couvre l’ensemble du cycle : émission, négociation, conservation et échange de ces actifs.
La mise en œuvre repose sur une approche coordonnée par les juridictions nationales, avec des mécanismes de suivi par le FMI et la Banque des Règlements Internationaux (BRI). L’enjeu est de créer un équilibre entre l’innovation dans la finance numérique et la stabilité du système financier international.
Rôle du Conseil de stabilité financière
Le Conseil de stabilité financière (FSB) doit publier un plan d’action contraignant pour la supervision des crypto-actifs globaux et systémiques. Ce plan impose une surveillance coordonnée sur les entités et marchés dont l’activité dépasse un certain seuil de capitalisation ou d’interconnexion avec le système financier traditionnel. L’objectif est d’établir un cadre mondiale de gouvernance pour prévenir les arbitrages réglementaires et les risques de contagion.
Normalisation technique et interopérabilité
La priorité opérationnelle réside dans la normalisation des protocoles de reporting et d’identification des actifs numériques. Le FSB doit exiger des autorités nationales l’adoption de règles unifiées sur la traçabilité des transactions et la vérification des réserves pour les stablecoins. Cette harmonisation technique est la condition sine qua non pour une supervision internationale efficace et une réelle interopérabilité entre les juridictions.
Concrètement, le FSB œuvre vers un cadre réglementaire qui classe les crypto-actifs par fonction et risque. Cette taxonomie internationale dictera des exigences de fonds propres, de liquidité et de conformité pour les émetteurs et prestataires. La coopération entre superviseurs bancaires et marchés de capitaux est impérative pour appliquer ce régime coordonné, en particulier sur les actifs composites ou les prêts numériques.
Convergence des régulateurs nationaux
Les autorités doivent prioriser l’harmonisation des définitions légales des crypto-actifs, une étape fondamentale pour toute coopération internationale. Sans un langage réglementaire commun, la supervision transfrontalière reste inefficace. L’exemple des stablecoins, traités comme des titres dans une juridiction et comme des monnaies électroniques dans une autre, illustre ce défi et freine l’interopérabilité des marchés numériques.
La normalisation des règles de conformité, notamment les normes « Travel Rule » (FATF) pour le partage d’informations sur les transactions, constitue un premier cap concret vers un cadre coordonné. Cette approche permet une lutte unifiée contre le blanchiment d’argent tout en évitant une fragmentation dommageable pour l’innovation. La supervision des grands fournisseurs de services d’actifs numériques (PSAN) par des collèges de superviseurs, sur le modèle bancaire, est une piste opérationnelle immédiate.
Le défi de la mise en œuvre
La convergence exige des mécanismes concrets pour résoudre les conflits de juridiction. La création de protocoles pour la supervision des plateformes globales, incluant la gestion des crises et l’échange d’alertes, est impérative. Une gouvernance internationale des crypto-actifs doit intégrer ces procédures pour dépasser le stade des déclarations de principe.
L’alignement sur des principes techniques, comme ceux émis par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) pour la réglementation des marchés, offre une feuille de route. L’objectif n’est pas une réglementation mondiale uniforme, mais un socle minimal assurant sécurité juridique et équité concurrentielle, tout en laissant aux États une marge de manœuvre pour des règles nationales spécifiques.







